Le Marchand de Venise (Business in Venice) d’après Shakespeare. Mise en scène Jacques Vincey au Théâtre 71 de Malakoff.

En entrant dans la salle on peut tout de suite voir l’imposante scénographie. Celle-ci représente un supermarché contemporain. Ce choix se veut une forme de dénonciation de la société contemporaine, une société basée sur la sur-consommation.

Un comédien, Pierre-François Doireau, entre en scène. il dit  ce que sera le spectacle que nous allons voir. L’argent y est au centre, il précise que ce qu’il dit là ne fait pas partie du spectacle et que par conséquent nous gagnons de l’argent puisque la minute de spectacle est donc moins chère… Ce moment, totalement inutile, est, de surcroît, assombri par une interpellation adressée à la salle : alors que les spectateurs sont supposés donner quelques euros, le comédien, devant l’absence de réaction du public, demande alors combien de juifs sont présents. Sidération !

 

Il nous explique que ne sera pas joué Le Marchand de Venise de Shakespeare, mais « un produit dérivé », une sorte de  modernisation afin que le public d’aujourd’hui y trouve plus d’écho avec notre société actuelle. Il ajoutel : « Shakespeare cela fait 400 ans que ça marche », ! Certes, mais alors pourquoi le moderniser ?? De plus, un tel texte n’est-il pas plus fort si nous percevons son intemporalité, autrement dit l’écho qu’il continue d’éveiller en nous malgré les siècles qui se sont écoulés ? En effet, les mots parlent d’eux-mêmes, nul besoin de ce surplus de commentaires dont nous accable Jacques Vincey. Ces derniers rendent le spectacle trop didactique, prenant en quelque sorte les spectateurs pour des âmes simples.

Shylock devient un simple gérant de supermarché. La marchandise dont il fait commerce est par conséquent simplifiée. Puisqu’en effet la dimension du corps comme marchandise n’est nullement prise en compte.

Cette modernisation confine au ridicule, notamment lorsque Pierre-François Doireau entre en courant et criant « Là je fais Lancelot ! » …

Ce ridicule, absent du texte, met une distance entre ce qu’il se passe sur le plateau et nous autres spectateurs. Nous ne ressentons ainsi aucune émotion devant ce que les personnages vivent. Aussi la dimension tragique du sort de Portia (présent dans le texte) est-elle gommée. On sait que son père, mort, veut la forcer à épouser l’homme qui choisira le coffre dans lequel se trouve le portrait de sa fille. Ses prétendants doivent choisir entre trois coffres. Le sort de Portia est donc laissé au hasard. Or, même si le hasard est souligné dans cette mise en scène, il est tellement caricatural qu’il en perd toute dimension tragique.  En effet, il est présenté comme un jeu télévisé, un divertissement, un peu comme « Qui veut gagner des millions ? » que l’on pourrait ici transformer en « Qui veut gagner Portia ? ». De plus, elle-même semble s’amuser alors qu’en réalité elle ne le devrait absolument pas. Dès lors, son sort ne nous touche pas !

Une proposition qui dénature le texte de Shakespeare alors que celui-ci est tellement beau et puissant … Un gâchis !

 

Un extrait vidéo pour vous donner un aperçu :